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La Saveur des Calanques fait rayonner la poutargue (agroalimentaire 17 mai 2019)

« le caviar de Méditerranée » comme elle est parfois désignée par les amateurs de ce mets prisé, dont les prix avoisinent 140 euros/kg. La seconde impression ? « Nous nous sommes regardés avec mon épouse et la déception était partagée. Nous n’aimions pas ça du tout ! », raconte Frédéric Paez en riant. Huit ans plus tard, le couple dirige une des dernières conserveries traditionnelles de produits de la mer de Port-de-Bouc… et l’un comme l’autre sont devenus des amoureux inconditionnels du précieux condiment.


« Avec la poutargue, il n’y a pas de demi-mesure : soit on adore, soit on déteste », résume le couple qui a racheté en 2011 une entreprise familiale alors en perte de vitesse. Ingénieur en aéronautique de formation pour l’un, historienne pour l’autre, ils partagent une passion commune pour la gastronomie et le tourisme culinaire. « Cela nous a conduits à créer, en 2007, un site internet marchand, qui mettait en relation producteurs et consommateurs. Nous rencontrions des artisans intéressés par notre concept. Mais nous restions frustrés d’être seulement des intermédiaires, avec l’envie de mettre la main à la pâte », explique Frédéric Paez. Ils envisagent alors une reconversion professionnelle. « Nous avions deux pistes : remettre au goût du jour de spécialités culinaires oubliées ou reprendre une entreprise artisanale patrimoniale qui distribue ses produits en épicerie fine. »


Un secret de fabrication transmis oralement.

Frédéric et son épouse ont, en 2011, un coup de cœur pour « Le Pêcheur de Carro », une entreprise qui avait connu son heure de gloire dans les années 50, avec la production de conserves de sardines et d’anchois. Eux que « rien ne prédestinait à l’agroalimentaire » se retroussent les manches et apprennent le métier aux côtés des deux associées auxquelles ils rachètent l’entreprise…

« Elles nous ont accompagnés pendant six mois, afin d’apprendre les processus de fabrication la poutargue », mais « avec l’interdiction formelle de prendre des notes » précise Frédéric Paez, qui garde à son tour jalousement la recette de la réalisation de la poutargue. « C’est d’ailleurs un des rares produits pour lesquels vous n’êtes pas tenu de fournir une fiche de fabrication pour obtenir un agrément sanitaire de la part des services de l’État. »
De la préparation des poches d’œufs de muge (le nom du mulet en provençal) jusqu’à leur séchage, chaque étape requiert un savoir-faire précis. À commencer par le « déveinage », l’opération qui consiste à ôter les veines de la poche d’œufs, avec une précision chirurgicale, pour ne pas la percer. « En phase d’affinage, la veine se vide de son sang si elle n’est pas enlevée et donne alors une amertume au produit », précise Frédéric Paez. « Nous sommes les derniers fabricants à effectuer cette opération, qui impacte forcément le prix de vente. Nous nous adressons à une clientèle qui a le palais très fin et qui est prête à payer le juste prix, pour une qualité irréprochable. » Les poches, une fois séchées et aplaties avec un rouleau à pâtisserie, sont ensuite placées dans des sachets plastiques, sous vide d’air. Une étape finale qui évite d’enrober la poutargue avec une couche de paraffine, dans le pire des cas, ou, au mieux, de cire d’abeille.


Une matière première issue des USA ou du Brésil.

Si la poutargue est une recette typiquement méditerranéenne – elle aurait été introduite par les Grecs de Phocée à l’époque de la fondation de Marseille, en 2 600 av. JC-, voire martégale, diront les puristes, les œufs de mulets, qui constituent la matière première, sont désormais rarement issus de « muges testu » pêchés autour de l’étang de Berre. De juillet à septembre, les pêcheurs tendaient en effet de larges filets, les calens, entre les deux rives du canal de Caronte qui relie l’étang de Berre, où les femelles venaient frayer, profitant des eaux chaudes, à la Méditerranée, qu’elles regagnaient ensuite. « Il ne reste plus aujourd’hui que deux calens », déplore Frédéric Paez, qui utilise des poches d’œufs issues de zones de pêche nord-américaines et brésiliennes, plutôt que mauritaniennes. « Le prix est moins élevé mais leurs qualités gustatives ne correspondent pas à nos exigences. »


Le couple travaille également, mais dans une moindre mesure, avec des pêcheurs port-de-boucains, pour les conserves d’anchois notamment. « Nous commercialisons aussi, depuis l’été dernier, du muge fumé, issu de la pêche locale », précise Frédéric Paez. « Nous avions le souhait, dès le départ, de privilégier les approvisionnements locaux. Mais il nous a fallu plusieurs années pour nous faire « accepter » par les patrons-pêcheurs du port. Nous avons aussi des impératifs de régularité des approvisionnements, de qualité, de calibres et de volumes qui étaient loin d’être satisfaits », résume le couple.


JULIEN DUKMEDJAN